Démarche
La pratique de la vidéo m’a conduite à m’intéresser au non-visible, au non-dit, au sonore, comme possibilité de dialogue avec l’inconscient. Le temps, la lenteur, le déplacement, les mythes, les rituels, les rêves, les éléments sont au centre de ma démarche.
J’accumule depuis plusieurs années des photographies, des images filmées, des sons, que je collecte dans mon entourage, dans ma vie quotidienne, au cours de voyages. Je les utilise ensuite dans mes créations. Je cherche à emmener l’intime vers l’archétype, à le déplacer, à y introduire une dimension ludique. Je travaille, avec ce (et ceux qui m’entourent), tout en en révélant une infime partie.
Imprégnée par la lecture des écrits de Gaston Bachelard, je me laisse aller à la rêverie. Je cherche à faire émerger de matériaux «anecdotiques» et singuliers: une matière sensuelle, une sensibilité, une pluralité.
La photographie est pour moi, intimement liée à la mémoire, au souvenir. Je crée à travers mes photographies, des carnets de notes. J’enregistre des détails qui font écho à mes propres souvenirs, à des histoires que je m’invente à travers leur mise en lien. Je cherche des traces comme une archéologue: une pierre, de la rosée sur une toile d’araignée, une nappe tâchée, un rideau, un pied dans des broussailles, des traces de présence humaine dans le paysage, des bouts de peau... une humanité dissoute par la nature. Ces carnets alimentent mes recherches sonores et vidéographiques.
Je crée des pièces sonores, électroacoustiques, qui mettent en dialogue la présence humaine, souvent perceptible dans mes pièces sonores par la voix (bribes de phrases, cris,...) avec des paysages contrastés électroniques et naturels dans lesquels circulent un autre type de vivant. Vivant parfois factice que j’alimente par la lecture d’ouvrages scientifiques et mythologiques évoquant chacun à leur manière le vivant que nous sommes et celui dans lequel nous évoluons.
J’envisage le sonore comme l’espace de sensations organiques, animales, naturelles et intuitives, mais aussi comme celui d’une passerelle dirigée vers l’image, que cette dernière soit mentale ou physique.
La vidéo me permet dans un va-et-vient entre l’image et le son, de jouer avec le réel pour y introduire une forme d’étrangeté. J’ai plaisir à jouer avec les surimpressions, les couleurs, les lumières, les ralentis, les effets spéciaux artisanaux et je suis très influencée dans ce sens par les expériences de Raoul Ruiz à la frontière du cinéma de fiction et du cinéma expérimental. Comme dans mes carnets photographiques, l’humanité tend à se faire absorber par le paysage qui l’accueille.
Mes recherches personnelles s’accompagnent depuis plusieurs années d’un désir de partage et de transmission. J’ai plaisir à imaginer des formes ludiques d’ateliers qui font écho à mes préoccupations artistiques en accordant, par contre, cette fois une vraie place à la présence physique et humaine. J’aime que ces travaux révèlent la complicité établie avec les participants.